La droite explique souvent que la gauche dispose de tous les pouvoirs : présidence, premier ministre, assemblée nationale, sénat, majorité des régions, des départements et des villes ... C'est faux. Force est de constater qu'il n'y a pas de majorité de gauche au Sénat. Mais heureusement cela ne prête pas trop à conséquence.
La preuve a été apportée une nouvelle fois ce matin pour le vote de l'article du Projet de Loi de Finances 2014 instituant la taxe à 75%, la taxe exceptionnelle sur les hauts revenus supérieurs à un million d'euros. Le texte était défendu par Benoît Hamon, ministre délégué, en l'absence du ministre du budget. Il a ferraillé en vain contre la droite. C'est "grâce" à l'abstention du groupe communiste que l'article 9 du PLF 2014 n'a pas été adopté.
La droite a aussitôt jubilé si on en croit le compte-rendu des débats du Sénat après l'intervention du sénateur communiste E. Bocquet :
"M. Éric Bocquet. - Notre groupe n'a pas déposé d'amendement sur cet article. Rassurez-vous, cela ne s'explique pas par notre manque d'intérêt ou un coup de fatigue. Le débat sur l'économie du sport professionnel, auquel nous avons assisté, était biaisé. Pourquoi ce souci de détail sur des revenus exceptionnels, soumis à une taxe tout aussi exceptionnelle ? L'intention est sans doute bonne, mais la dimension symbolique semble s'être retournée contre les tenants de la mesure. Nous ne voterons pas sur cet article, dont le champ devait être plus large et devait inspirer une modification de l'assiette de l'impôt sur le revenu.
L'article 9 n'est pas adopté.
M. Philippe Dallier. - Quelle bonne surprise. (On renchérit à droite)"
Ainsi les amis de Jean-Luc Mélenchon sabordent-ils la mesure symbolique qui avait marqué la campagne présidentielle, le combat contre la finance et les excès des hautes rémunérations. L'explication avancée par le groupe communiste pour s'abstenir est un argument d'opposition ni constructive (puisqu'il aboutit à ne rien faire) ni cohérente avec des options de gauche (puisqu'il empêche d'aller dans la direction souhaitée d'une taxation des hauts revenus).
En résumé, il faut constater une nouvelle fois que la gauche n'a pas de majorité au Sénat ce qui ralentit l'adoption des textes même si l'assemblée nationale a le dernier mot. Ceux qui sous couvert de VIème république voudraient nous ramener sous la IVème république impotente en renforcant le jeu des partis sous-estiment l'immobilisme mortifère où nous ménerait une réforme de cette nature. Il suffit aussi de voir à quoi est livrée l'Italie pour s'en convaincre. Les institutions de la Vème république ont du bon.
Daniel Lattanzio